L’histoire des jeux vidéo : les années 1980
Faire manger des points à Pac-Man, libérer la princesse avec Mario et Luigi ou encore éliminer ses ennemis dans Fortnite… les jeux vidéo marquent depuis près de trois générations l’enfance de millions de personnes. Retour sur cinquante ans d’histoire.
Nombre des classiques de jeux vidéo qui existent aujourd’hui encore sont nés dans les années 1980 : Pac-Man (1980), Ultima (1980), Mario Bros (1983), Tetris (1984) ou encore SimCity (1989). Au début de cette décennie, le marché est d’une part inondé d’un nombre incalculable de nouvelles consoles, d’autre part des ordinateurs domestiques toujours meilleur marché et plus efficaces sont commercialisés. En 1983, le marché de la console s’effondre. De nombreuses entreprises, dont le leader de la branche et pionnier Atari, font faillite. Atari réussit encore à sortir le jeu E. T. en 1982; celui-ci est considéré comme le pire jeu vidéo de l’histoire en raison de son graphisme déplaisant et de la complexité de son concept. Des ruines de l’industrie émergent les entreprises Commodore, avec l’ordinateur personnel Commodore 64 (1982), et Nintendo, avec la console Nintendo Entertainment System, abrégée NES (1985). Avec le développement des technologies, les jeux vidéo entrent dans une nouvelle dimension, et les aventures et le graphisme deviennent plus innovants. Ils possèdent leurs propres personnages et histoires. La plupart des genres que nous connaissons aujourd’hui sont créés à cette période. Le Commodore 64 permet même aux utilisateurs les plus passionnés de programmer leurs propres jeux. Les enfants et adolescents des années 1980 passent des heures devant l’ordinateur domestique ou la console, et à la fin de la décennie, avec l’arrivée de la Game Boy, ils continuent même de jouer après l’heure du coucher, sous leur couverture, munis d’une lampe de poche. Allons voir tout ça de plus près.
Jeux vidéo et le règne d’Atari
Le succès est planétaire et permet à Atari de dominer le secteur des consoles grand public avec 80 % de parts de marché. En 1982, le chiffre d’affaires d’Atari s’élève à 2 milliards de dollars, soit la moitié des revenus de la société Warner, et ses bénéfices à 323 millions de dollars.
Une troisième société japonaise, alors spécialisée dans les jeux de cartes mais déjà présente dans le secteur des jeux électroniques sur écran LCD, va faire ses premiers pas dans l’édition de jeux d’arcades au États-Unis : Nintendo. Hiroshi Yamaushi, président de la firme nippone, devant le succès des bornes arcades aux États-Unis, désire y implanter une succursale et propulse son gendre Minoru Arakawa à sa tête. Hiroshi Yamaushi demande à un créateur de génie, Shigeru Miyamoto, d’inventer un jeu qui plaise aux “kids” américains. Ce sera Donkey Kong, lancé en 1981. Le scénario met en scène un petit personnage moustachu (qui prendra par la suite le nom de Mario) à la recherche de sa fiancée, enlevée par son singe. Après deux ans d’exploitation, Donkey Kong rapporte 100 millions de dollars de chiffre d’affaires.
En 1982, le marché des jeux vidéos représente 3 milliards de dollars et les jeux d’arcade environ 7 milliards de dollars. Mais la concurrence sur le marché de consoles s’est accrue avec l’entrée de machines de troisième génération. Il s’agit de la ColecoVision qui propulse la société Coleco en tête des ventes en 1983. Et pour cause, la firme du Connecticut fournit un adaptateur, qui permet de jouer à tous les jeux proposés sur la console VSC 2600 d’Atari.
Milton Bradley (MB) lance la Vectrex, console d’un nouveau genre puisqu’elle intègre un écran monochrome, une manette à quatre boutons et utilise des graphismes vectoriels déjà présents sur certaines bornes avec Tempest et Asteroïd.
La concurrence ne vient pas uniquement des fabricants de consoles.
L’informatique fait d’énorme progrès depuis quelques années et les ordinateurs personnels ont désormais les moyens de se positionner comme produits de substitutions. De nombreuses entreprises se lancent dans la fabrication de machines : Tandy, Commodore, Apple, Sharp, Texas Instruments…
Dans ce cadre, les consoles de troisième génération ne connaîtront pas le succès de leurs prédécesseurs, elles sont produites à l’aube d’une seconde crise les heurtant de plein fouet.
1983 : Le marché des consoles en péril
Trois facteurs entraînent le secteur des consoles grands publics vers une crise sans précédent :
- La concurrence entre les nombreux fabricants génère une baisse des prix qui fragilise les rentrées financières. L’activité n’est plus rentable, de nombreuses entreprises déficitaires quittent le marché (Texas Instruments, Mattel, Warner) ;
- la structure de l’offre éclate. La réussite des jeux Space Invaders et Pac-Man édités par des entreprises ne fournissant pas de console provoque l’arrivée d’acteurs spécialisés dans l’édition de jeux dont les premiers ambassadeurs de l’époque sont Activision et Sierra. L’offre de jeux n’a jamais été aussi importante, mais la qualité n’est pas toujours au rendez-vous et les consommateurs ne sont pas dupes ;
- l’ordinateur individuel se généralise et constitue un marché de substitution grandissant. Il est dominé par l’Apple 2c et le Commodore 64 aux États-Unis et par le CPC 464 puis le 6128 d’Amstrad, le Modèle 1 puis l’Atmos d’Oric ou le ZX 81 et la Spectrum de Sinclair en Europe. Ces ordinateurs ont vocation à accueillir des logiciels créés par des tiers. Avec l’arrivée des lecteurs de disquettes, les éditeurs de jeux se tournent donc vers ce support universel plus enclin à être pérennisé dans les foyers, compte tenu des potentialités qu’il offre en matière de calculs et de traitements de textes. Electronics Arts, Infogrames, Lucas Arts démarrent leurs activités. Les premiers jeux à succès sont Leisure Suit Larry et Ultima.
La conjugaison de ces phénomènes provoque la baisse des ventes de cartouches à un niveau insignifiant en l’espace de deux ans et les salles d’arcades ferment les unes après les autres. Les consommateurs reportent massivement leurs achats vers les ordinateurs personnels et les éditeurs de jeux suivent la même voie. Le transfert de support s’opère naturellement, mais le marché du jeu vidéo ne représente plus que 100 millions de dollars fin 1984.
1985 : Un nouveau souffle venu du Japon
Alors qu’aux États-Unis et en Europe on prédit la disparition des jeux vidéo, au Japon Nintendo commercialise en 1983 une console qui sera la propriété d’un foyer nippon sur trois dans la seconde moitié des années 80. Les dix-huit premiers mois, 2,1 millions de consoles sont écoulées. Quelques mois plus tôt, Shigeru Miyamoto s’attelle à un nouveau jeu, Super Mario Bros. Le héros moustachu, Mario, pompier de son état, doit délivrer sa fiancée en traversant de multiples grottes et sous-terrains semés de pièges.
L’objectif de Nintendo est de vendre la Famicom à un prix défiant toute concurrence (100$) et de rentabiliser le projet grâce à une logithèque fournie (50$ par cartouche). La politique tarifaire permet de distinguer la console de l’ordinateur, 10 fois plus cher.
En 1985, Nintendo part à l’assaut du marché américain. La firme de Kyoto commercialise la Famicom sous le nom de NES (Nintendo Entertainment System). Une campagne de 30 millions de dollars est organisée malgré un marché moribond. Mais le produit plaît et Nintendo, en quelques années, va absorber 80 % du marché. En 1989, ses revenus américains s’élèvent à 5 milliards de dollars. Entre 1983 et fin 1990, 30 millions d’exemplaires de la console sont vendus, soit 6 millions de plus que le nombre de PC IBM et Macintosh réunis.
1988 : Sega s’attaque au marché européen
Nintendo privilégie le marché américain et permettra ainsi à une autre société japonaise d’implanter ses produits en Europe. Sega (Service Games) fondée en 1964 est le résultat d’une fusion de Rosen Entreprises créée à Tokyo au début des années 50 par David Rosen, Américain alors âgé de 20 ans et la société nippone Nihon Boraku Bussan. Sa première réussite est un jeu d’arcade, Périscope (1966) qui permet au joueur de lancer des torpilles sur un bateau en visant à partir d’un périscope.
Sega lance sa première console, NSG-1000 en pleine crise du jeu vidéo aux États-Unis. En réaction au lancement de la NES, Sega sort la Master System, mais Nintendo a déjà envahi le marché. Les dirigeants de Sega décident alors de commercialiser leur console en Europe où Nintendo n’a pas encore déployé sa stratégie.
En 1988, Sega égale Nintendo en Europe et prépare déjà un nouveau produit baptisé Megadrive (Genesis aux États-Unis) construit à partir d’un microprocesseur 16 bits et qui sortira en 1988 au Japon, un an plus tard aux États-Unis et deux ans après en France.
Dès 1991, Sega commercialise le jeu Sonic, petit hérisson bleu qui devient l’emblème de la société. Compte tenu de sa supériorité technique, la Megadrive se hisse rapidement en tête des ventes aux États-Unis et en Europe et les éditeurs de jeux dont Electronics Arts et Microproses s’empressent d’adapter les hits Atari et Amiga. Nintendo rétorque en 1991 avec une nouvelle console 16 bits, la Super Nintendo (Super Famicom au Japon et Super NES aux États-Unis) et des jeux à grand succès : Super Mario World (1992), The Legend of Zelda : a link to the past (1992) ou Donkey Kong Country (1994) vendu à plus de 6,1 millions d’unités les 45 premiers jours de commercialisation. Le niveau des ventes est inattendu au Japon ou 15 millions d’exemplaires de la SNES seront écoulés. En Europe Sega garde la tête des ventes : 1,6 million d’unités vendues en 1991 contre 1,1 million pour son concurrent. En 1993, Sega possède 51 % de parts de marché aux Etats-Unis, 59 % en Europe, grâce à une politique tarifaire agressive, mais Nintendo garde sa suprématie au Japon avec 78 % de parts de marché.
La bataille des consoles portables
Les consoles domestiques sont l’objet d’une lutte sans merci entre les deux géants nippons. Ces derniers sont aussi en concurrence pour un nouveau secteur du jeu, la console portable. C’est Nintendo qui ouvre le feu avec le Game Boy en 1988 et adapte ses hits développés pour la NES. Seule sur ce nouveau créneau, cette console monochrome s’implante facilement d’autant que son autonomie permet de jouer une dizaine d’heures sans changer de pile. Un jeu fournit en standard sur le Game Boy va passer à la postérité : Tetris inventé par le Russe Alexei Pajitnov. Le joueur empile des formes géométriques différentes tombant du haut de l’écran. Quand une ligne est formée, elle s’efface. Le but du jeu est de retarder le plus longtemps possible l’empilement. Au plan mondial, Nintendo vendra 25 millions d’exemplaires de Tetris.
Plusieurs sociétés tentent de concurrencer Nintendo. NEC et Atari proposent leur console haut de gamme avec écran couleurs (respectivement GT Turbo et Lynx). Mais leur prix demeure élevé et les ventes ne suivent pas. Seul Sega a su imposer un temps la Gamegear à écran couleur, pourtant très gourmande en énergie. Nintendo vendra 60 millions d’exemplaires du Game Boy dans le monde.
1989 : Le PC pénètre les foyers
Les jeux vidéo sur ordinateur personnel vont connaître les débuts d’une période faste grâce aux avancées technologiques, nombreuses dans les années 80.
Au début de la décennie, IBM entre sur le marché du micro, le Commodore 64 est un succès, l’aventure Amiga commence, Microsoft connaît une réussite rapide avec son système d’exploitation et ses logiciels bureautiques. En 1984, Steve Jobs, fondateur d’Apple lance le Mac dont l’interface graphique s’inspire d’une invention de la société Xerox, oubliée dans les cartons. Le Mac est fourni avec une souris, aussi une invention de Xerox. En 1987, les premiers processeurs 16 bits arrivent, IBM crée la norme VGA capable d’afficher 256 couleurs simultanément dans une résolution de 320×200. Les joystick font leur apparition sur PC, de même que les pistolets et les volants, plus tard agrémentés de pédales pour les jeux de voitures.
Compte tenu de la puissance grandissante des machines, de leurs capacités graphiques, mais surtout de leur niveau de pénétration dans les foyers, les éditeurs de jeux fournissent des gros efforts de créativité à partir de 1989.
À la fin des années 80, les premiers “hits” sont Prince of Percia, BattleChess, Civilization, GP1, Alone in the Dark, puis Wing Commander, et surtout Sim City, un jeu de simulation et de gestion d’une ville, créé par la société Maxis. Il se déclinera par la suite sous plusieurs formes Sim Tower, Sim Farm, Sim Ant. En 1995, sortira Sim City 2000 et quatre ans après Sim City 3000. À ce jour la série des Sim s’est vendue à plus de 7 millions d’exemplaires dans le monde.
En 1993, Doom (ID Software) laisse son empreinte dans le monde du jeu.
Inspiré de Wolfenstein 3D, Doom est un “shoot them up” qui renouvelle le genre initié par Space Invaders. Le principe est simple, le personnage, évoluant dans un environnement 3D, tire sur tout ce qui bouge. Des clones seront produits par la suite comme Duke Nukem 3D ou Quake et dans les années 90, Tomb Raider.
Outre les jeux de simulation, de rôle (dont Land Of Lore du studio Westwood est le meilleur ambassadeur à cette époque), d’aventure (The Seven Guest, aux graphismes somptueux) ou de tir, apparaissent des jeux de stratégie en temps réel. Le concept est né avec le jeu Dune, adaptation du roman de Frank Herbert, mais prendra son essor avec Warcraft des studios Blizzard. Le principe de ce “wargame” est de constituer une armée plus puissante que celle de l’adversaire (ordinateur ou autre joueur). Les personnages collectent des ressources dont l’exploitation permet de se renforcer en troupe et en matériel avant l’assaut final.
Warcraft ouvre une brèche dans les jeux vidéo et sera suivi de nombreux autres : Dune 2, Command and Conquer, Heroes of Might and Magic…
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